Cet article se base sur une interview de RUN par ActuaBD pour explorer les relations entre ces trois entités (RUN-Label 619-Ankama).
Angoulême et Chambéry se sont mis à l’heure du Label 619 pour célébrer ses 15 ans d’existence. Ce label d’édition, qui a su conquérir le cœur des lecteurs et des critiques, a bénéficié d’un stand dédié au Festival d’Angoulême et fut l’invité d’honneur du Festival de Chambéry. Un parcours remarquable pour Run, auteur de Mutafukaz et fondateur du label, et pour tous les auteurs talentueux qui ont contribué à son succès, tels que Mathieu Bablet, Neyef et Guillaume Singelin.
Lors d’une interview, RUN a retracé la genèse du label 619 chez Ankama.
Run a rencontré Ankama à un moment où il était un auteur de BD rejeté par toutes les maisons d’édition franco-belge. En seulement 15 jours, il est passé d’auteur à directeur de collection. La sortie de Mutafukaz a créé une opportunité pour d’autres auteurs qui ne trouvaient pas leur place dans le paysage éditorial traditionnel. Ils ont vu qu’il y avait de la place pour eux au sein du label 619.
Après avoir été contacté par d’autres auteurs, Run a progressivement monté le label 619. Il n’avait pas la volonté de révolutionner quoi que ce soit ou de changer les choses, il voulait juste créer son propre écrin et sortir les BD qu’il avait envie de sortir.
Avec Tot, le fondateur d’Ankama, ils ont trouvé que le marché de la BD franco-belge était sclérosé. Tot, qui avait rencontré les mêmes problèmes que Run lorsqu’il a cherché à faire publier son manga Dofus et son artbook, a décidé d’investir de l’argent dans la création d’une maison d’édition où il pourrait publier ses mangas Dofus. Run est arrivé à ce moment-là.
Tot lui a proposé de gérer la maison d’édition et de faire venir des auteurs. C’est ainsi que Run a décidé de créer une collection appelée Label 619. Au début, il voulait l’appeler Label 777, son pseudo, mais il a vite réalisé que cela pouvait être perçu comme trop nombriliste.
Il reconnaît que sans Ankama, beaucoup de leurs projets n’auraient pas pu voir le jour. Aujourd’hui, ils sont chez Rue de Sèvres, une maison d’édition pour laquelle l’édition est leur cœur de métier. Bien que l’encadrement soit différent, ils bénéficient de la même liberté, ce qui est essentiel pour eux. Selon RUN, toutes les maisons d’édition ne sont pas capables de donner cette liberté, mais Rue de Sèvres la garantit.
Les 15 dernières années ont également été marquées par l’animation avec le film Mutafukaz. RUN décrit cette expérience comme « pas terrible en fait ». C’était une aventure humaine extraordinaire avec le Studio 4°C, mais elle a été compliquée émotionnellement.
Le financement par Ankama a offert une liberté créative totale au film, mais a également exposé le projet aux aléas inhérents à l’absence de partenaires financiers externes.
Jusqu’à la fin, RUN ne savait pas si le film serait terminé, ni s’il sortirait. En plus de cela, il avait d’autres responsabilités à gérer, comme le label 619, ses propres BD, et un projet de catch interne chez Ankama.
Malgré les difficultés rencontrées lors de la réalisation du film, RUN reconnaît qu’il a permis de faire découvrir la série et plus largement le label 619. Chaque projet est une porte d’entrée vers le Label 619.
La question de la vente à perte
RUN souligne que la vente à perte est un risque réel dans l’industrie de l’édition. Le nombre d’exemplaires vendus détermine si un livre sera rentable ou non. Avec des marges réduites en raison du coût élevé de production, la rentabilité est incertaine. C’est un risque pour tout le monde, y compris pour Rue de Sèvres qui finance les projets, et pour les auteurs eux-mêmes.
Shangri-la : un pari risqué porté par RUN, qui a cru en ce projet contre vents et marées. Pour sa viabilité économique, il fallait dépasser les ventes du premier tirage, un objectif ardu pour n’importe quelle maison d’édition. Ankama lui a accordé la liberté de prendre des risques considérables, une audace qui a suscité des critiques de la part d’autres éditeurs.
Le succès de Dofus a offert à Ankama une tranquillité financière, notamment pour sa maison d’édition. Rue de Sèvres prend également ce genre de risque avec eux : si cela fonctionne, c’est super, mais s’il n’en est pas ainsi, on se tournera vers le prochain tome sans trop de souci.
Ces dernières années, plusieurs auteurs affiliés au label 619 ont été honorés de récompenses, une reconnaissance valorisante pour eux. Cependant, RUN tient à préciser qu’il ne considère pas ces distinctions comme spécifiquement attribuées au Label 619, mais plutôt comme des succès individuels au sein d’un ensemble collaboratif.
Pour RUN, l’association entre la reconnaissance des auteurs et la maison d’édition Rue de Sèvres est significative. Il estime que lorsqu’ils étaient chez Ankama, ils n’avaient peut-être pas bénéficié de la même légitimité qu’ils ont désormais chez Rue de Sèvres, surtout dans le milieu éditorial.
Il a le sentiment que par le passé, le label 619 a peut-être été négligé ou n’a pas su pleinement exploiter les bonnes opportunités. Néanmoins, il constate que les efforts de Rue de Sèvres pour promouvoir le label portent leurs fruits.